La montagne libanaise sous la neige ©Nora Schweitzer 

En 2012, je suis allée passer dix jours au Liban pour Noël. J’avais habité plusieurs mois à Beyrouth l’année précédente et je voulais retrouver des ambiances et des saveurs qui me manquaient. Après quelques jours à Beyrouth à voir mes amis, je suis allée me perdre dans les montagnes libanaises. Voilà un petit récit onirique de cette balade entre neige et soleil.

Le joli village de Bsharry avec ses clochers et ses toits en tuile rouge ©Nora Schweitzer 

Je débarque dans la vallée de la Qadisha (« la vallée sainte » en syriaque) par une fin d’après-midi de décembre et y découvre Bsharry, un village pittoresque perché dans la montagne. Ses imposantes églises dominent toute la vallée. Entouré de sommets enneigés, Bsharry a des airs de petit village des Alpes. Les lueurs rouge orangées de fin de journée viennent embraser les tuiles rouges des clochers. Les cimes enneigées se teintent d’une douce lumière rose, tandis que le froid de la nuit tombante envahit tout doucement les âmes de la vallée.

Au matin, le propriétaire de mon hôtel, Charbel, me propose de me conduire aux Cèdres, station de ski réputée située plus en altitude. Il s’y rend justement avec ses deux filles pour profiter des plaisirs de la glisse sur la neige fraîche! Sur le chemin, il s’arrête dans un petit four qui fait des mana2ich « 3al saj », sortes de crêpes salées que les Libanais mangent au petit déjeuner. J’en choisis une au zaatar (thym) et jibne (fromage), pliée en deux pour que le fromage se fonde bien dans les arômes de thym.. Délicieux !!
Je suis assise à l’arrière de la voiture avec la fille de Charbel. Emmitouflée dans sa grosse combinaison de ski rose clair, sa crêpe à la main, elle me raconte qu’elle a commencé le ski à l’âge de trois ans. « Aujourd’hui, j’ai six ans et je sais super bien skier! Je skie tous les hivers avec mon papa, ma mère déteste la neige! »… Mahdoume el bnet !! (Elle est mignonne cette petite, en libanais). Et dire que j’ai fait du ski une fois dans ma vie et que ça s’est soldé par une méga gamelle dans un mur de neige…

A l’arrivée aux Cèdres, je suis littéralement éblouie par le paysage qui m’accueille! Les montagnes se dressent tout autour de moi tels d’imposants murs blancs. Les lignes des crêtes enneigées se découpent dans un ciel d’un bleu intense, les puissants rayons du soleil viennent enflammer l’éclatant manteau de blanc. Je m’en vais marcher dans cet océan de neige qui m’étourdit un peu plus à chaque pas. Ma tête tourne, le soleil est puissant, chaud, l’éclat de la neige aveuglant..

Je ne suis pas la seule à passer par là… ©Nora Schweitzer 

Après une balade au milieu de grandes étendues blanches parsemées de sapins, j’atteins la célèbre « Forêt des Cèdres du Seigneur » (Arz el-Rab). Très connue au Liban car elle accueille les derniers spécimens de cet arbre mythique, mentionné dans la Bible pour avoir servi à la construction du Temple de Salomon. Les Phéniciens ont aussi utilisé le bois de cèdre pour fabriquer les navires qui leur ont permis de sillonner toute la Méditerranée. Aujourd’hui, la forêt des Cèdres a beaucoup perdu de sa superficie et ne représente plus que quelques centaines d’arbres posés au milieu des montagnes.

A l’entrée de la forêt, les touristes et les groupes de jeunes libanais se pressent, tous impatients à l’idée de se balader au milieu des fameux cèdres. Je m’engage à mon tour sur le petit chemin tracé au milieu des arbres..

L’entrée de la forêt des Cèdres ©Nora Schweitzer 

Sous les arbres légendaires ©Nora Schweitzer

Sous les arbres, de belles suprises… ©Nora Schweitzer 

Peu à peu, les groupes se dispersent dans la forêt, les cris d’excitation s’estompent, le brouhaha des humains fait place au silence. Le silence, pas tout à fait en réalité. La forêt me surprend par une étrange musique… Tac, tac, tac, tac.. Des milliers de gouttes d’eau tombées du ciel viennent percuter le sol de la forêt. La neige accumulée sur les cimes des arbres est en train de fondre sous le puissant soleil de ce milieu d’après-midi, formant une petite pluie improvisée.

Par moments, le « tac, tac, tac » laisse place à un « Brrrrrrr » lourd et assourdissant.. Je me retourne, intriguée, et aperçois tout à coup un immense bloc de neige détaché des hauteurs qui s’écrase au sol dans un grondement sourd. Pendant une seconde, je suis alors le témoin privilégié d’un magnifique spectacle de la nature : des milliers de particules de neige en chute libre transpercées par les lueurs du soleil..

Les rayons du soleil sont diffractés par la neige qui tombe des cimes des arbres ©Nora Schweitzer